Une œuvre peu ragoûtante

Publié le par Le Gros Loulou

Plusieurs rédactrices donnent leur point de vue sur l’œuvre de Kader Attia Flying rats présenté à la Biennale de Lyon.

Le gros Loulou

Kader Attia est né en 1970 à Dugny (Ile de France). Il vit et travaille actuellement à Paris. Flying rats est une installation de l’artiste exposée à la sucrière dans le cadre de la Biennale de Lyon. Il s’agit d’une cour de récréation reproduite dans une cage grillagée de 45m2. 45 sculptures d’enfants ainsi que 150 pigeons y ont été enfermés. Les mannequins étant réalisés en bouillie de céréales, les enfants devenaient la seule source de nourriture présente pour ces pigeons. Les vêtements ont été déchiquetés, troués et les corps des enfants sont picorés par les oiseaux. Le lien avec l’expérience de la durée est évident puisqu’il s’agit d’une œuvre qui évolue avec le temps, dite work in progress. En quelques semaines les premières sculptures ont été dévorées… Qu’en sera-t-il fin décembre ? En regardant Flying rats, on ne peut s’empêcher de penser aux Oiseaux d’Hitchcock. Mis à part que dans le cas présent, on sait pourquoi ces pigeons dévorent les enfants : ils n’ont rien d’autre à manger. Lorsque je suis entrée dans la pièce où se déroule ce « champ de bataille », j’ai été fascinée par cette cruauté. Des enfants se faisaient déchiqueter sous mes yeux. Les pigeons tenaient plus du poulet que de l’oiseau. Les bêtes mangeaient à longueur de journée, se reproduisaient…et tout cela, enfermé dans une cage qui permettait à nous, visiteurs, de les regarder s’engraisser de « chair enfantine ». « Flying rats» est le nom donné aux pigeons aux Etats-Unis. Dans la nature le pigeon est une race propre mais en ville, ces oiseaux représentent un amas de maladies volant. Kader Attia nous montre à travers cette œuvre, une décrépitude de notre société à travers le temps. C’est une attaque du capitalisme. L’homme crée aujourd’hui des choses qu’il ne maîtrise plus. Ici, ce sont les pigeons qui dominent la situation, le visiteur est passif. Il ne peut qu’observer le massacre et de quelle façon se il déroule au fur et à mesure du temps.

Frolic

 

 

Expérience et durée cohabitent dans des systèmes de convergences et de divergences. On ancre l’expérience dans une notion d’incertitude. La durée, elle, peut paraître rassurante, réconfortante dans l’idée de longueur qu’elle véhicule. Nous décidons d’une expérience mais nous ne sommes pas maître du résultat. Nous ne pouvons décider d’une durée mais nous ne seront jamais maître du temps. Ainsi même à partir d’une volonté décidée, l’expérience comme la durée nous montre que leur résultat, leur conséquence n’émane plus de notre ferme volonté mais d’une force supérieure en adéquation avec celles-ci. Kader Attia né en 1970 à Dugny en France est d’origine sud méditerranéenne. A la Sucrière de Lyon, il nous propose une installation. En effet le spectateur découvre dans un espace immense de l’usine une volière géante. Cette cage découvre derrière de nombreux barbelés de fer une vaste cour de récréation. Des figures d’enfants statiques donnent l’illusion d’y jouer (jeux de ballon, billes, cordes à sauter). Parmi eux de gras pigeons, président. En effet, les enfants sont de misérables pains de graines et de céréales habillés de vêtements aux couleurs vives. Leur présence est figée. Les pigeons, eux, n’ont jamais été aussi pleins… de vie. Posés sur des crânes, des genoux, des mains d’enfants, ils les dévorent voracement en volant de l’un à l’autre. « Rats Volants », on comprend pourquoi ! Une odeur nauséabonde règne dans l’espace, les fientes de pigeons étouffent. Devant un tel spectacle, le visiteur ne peut que réagir, la réaction est double. Une réaction sensible, physique, quant à la découverte du charnier amène plus tard dans la durée une réaction de prise de distance, de recul,de réflexion et donc de compréhension profonde de l’œuvre. Une première expérience en annonce une autre, la durée fait son effet. Grâce à Kader Attia, grâce à l’expérience qu’il nous offre alors nous en faisons notre propre expérience par la durée de la scène. Arrêtons nous sur le premier effet qu’à l’œuvre sur nous spectateur. L’odeur est répugnante, le trouble s’installe dans la vision soudaine d’une représentation réelle de la vie côtoyant la mort. L’atmosphère est oppressante. Nous sommes écoeurés totalement dégouttés devant ce carnage. Ce serait presque une scène de guerre. Les enfants vacillent, chutent dans cet équilibre précaire, ils sont rapidement détruits par la voracité des volatiles. Ces pigeons d’élevage répugnent et étonnent par leur opulence. L’expérience (œuvre éphémère) évolue. Elle contient et la Vie (le nombre de pigeons) et la Mort (chute des enfants). Le spectateur semble passif, impuissant, face à cette scène. Ce n’est qu’illusion ! Cette première vision nourrira une seconde expérience : au-delà du sensible et par la durée l’homme peut alors accéder à une seconde expérience : une ascension vers une réflexion révélatrice, moralisatrice. Kader Attia nous éduque au sens étymologique du terme : ex ducere, il nous conduit hors de nos propres limites et nous pousse à évoluer dans l’expérience qu’il nous soumet et dans la qualité de sa durée. Pour mieux comprendre cette seconde expérience, évolution de la première, rappelons nous en une autre du même artiste. Kader Attia, propriétaire d’une galerie d’art à Saint Germain des Près, décidera de la transformer en un magasin, son magasin. Cette boutique illusoire porte pour enseigne le nom d’Allal. Les gens, regardent, touchent, demandent à essayer. Piège ! « Ceci n’est pas une marque ». Kader Attia provoque l’achat. Pourquoi ? « Allal » la marque attire de jeunes français musulmans en quête d’identité. Dans la découverte de leur erreur, Kader Attia  (dans une démarche de sophiste) instaure un dialogue qui offre à l’adolescent de réaliser qu’il devient produit de la société (la démarche du Pop Art fut similaire). Alors l’Homme peut faire évoluer l’homme. Ici il en va de même. Le premier jugement vient du ressenti. L’immonde est incarné dans cette scène. Le dégoût nous frappe en pleine face. Une atmosphère oppressante envahit l’espace, on pense, en effet, aux Oiseaux d’Hitchcock. L’odeur de charpie règne. Le ressenti est tellement pesant qu’il ouvre la porte à la réflexion. Kader Attia cherche à ce que nous réalisions ce mode dans lequel nous vivons, trop aseptisé (sentiment de dégoût ici) et sécurisé (grillage de la volière). En catégorisant trop vite les choses, les gens, on ne cherche pas à les comprendre. Rester derrière un grillage est bien plus simple que de le franchir. Notre peur s’inscrit dans la peur d’évoluer. Kader Attia s’en fait dénonciateur. Ainsi, cette expérience révèle notre peur d’évoluer et donc notre facilité à nous inscrire dans une durée qui refuse la remise en question alors même qu’elle la contient. Cette installation participe à notre édification si tant est que nous la réalisions pleinement. Le statut de l’œuvre dés lors est à questionner. L’artiste sert-il une cause moralisatrice mettant ainsi en péril la part esthétique de l’œuvre ?

Pif  

 

 

 

 

 

 

A la Sucrière, Kader Attia propose une installation dont le titre "flying rats" est une expression anglaise (rats volants), qui qualifie les pigeons : le spectateur se trouve face à une volière contenant 150 pigeons et 45 enfants constitués de mousse et d'un mélange de graine pour oiseau très compact. Dans cette représentation de la cour de récréation, filles et garçons jouent aux billes ou se chamaillent tandis que les pigeons les dévorent peu à peu. Tout au long de l'exposition, ce sont les pigeons qui  s'approprient l'espace et font donc évoluer l’œuvre. Progressivement les volatiles détériorent l’espace de jeux qui leur est destiné mais surtout  les enfants. Cette volière qui occupe la totalité de la grande salle est donc devenue un habitacle naturel, un microcosme dans lequel les pigeons ont fait petit à petit leur nid, se sont reproduis mais surtout dévorent les enfants qui sont ne sont plus que des poupées (constituées de graines) aux membres atrophiés.

Cette œuvre montre ainsi avec beaucoup de cynisme que nous n’avons pas d’emprise sur le temps et que nous sommes tous condamnés à se dégrader continuellement. Cette installation est troublante, elle aborde le thème de l’enfance allié à celui de la dégradation et la mort sans utiliser à proprement parler de procédés violents. Au-delà de la cruauté de la scène, Kader Attia souhaite rappeler que l'enfance est probablement la période de la vie qu'on voit s'éloigner avec le plus de nostalgie. Dans un monde de plus en plus aseptisé et sécurisé (comme l’est soit disant la cage qui le symbolise), l'enfance est certainement le seul âge où l'on croit que, comme les oiseaux, il est possible de voler…

Belle

L’installation occupe entièrement une salle de la sucrière, c’est une grande cage grillagée enfermant 150 pigeons vivants et 45 mannequins d’enfants. L’ensemble ressemble à une cour de récréation. Les enfants sont composés de mousse et de graines, ils sont donc la seule source de nourriture des pigeons. Cette vision est assez impressionnante et terrifiante: les enfants se font picorés petit à petit par des pigeons et la jolie cour de récréation se transforme en champs de bataille. Les cartables sont posés à terre, les vêtements tombent, certains visages n’existent plus, c’est un vrai carnage. Son œuvre s’inscrit effectivement dans le temps, puisqu’elle évolue tout au long de son exposition. Les enfants sont picorés, entièrement mangés jusqu’à leur disparition, il ne reste plus que des éléments matériels : sacs, vêtements, chaussures. Kader Attia nous fait vivre l’expérience de la durée. Il nous permet finalement d’assister en direct à une scène d’épouvante. En nous montrant les enfants se détruirent peu à peu, il veut nous choquer. On retourne ainsi avec  nostalgie dans nos plus belles années sans pouvoir maîtriser quoique se soit. Il est difficile pour l’adulte d’accepter de voir disparaître l’enfant qu’il était. Les pigeons sont aussi gros que des poulets, ils mangent sans limite jusqu’à devenir obèses. Flying rats, est une expression anglophone désignant les pigeons des villes porteurs de maladie. En montagne, cette race d’oiseau est saine mais dans le milieu urbain, elle subit une dégénérescence. Ces pigeons, dévoreurs d’enfants, auxquels nous ne pouvons nous opposer sont une critique. Celle d’une société de consommation incapable de contrôler ce qu’elle crée. Cette salle de la sucrière avait particulièrement retenu mon attention par la violence et la réalité qui s’en dégageait. A  travers cette installation, Kader Attia inscrit sont œuvre dans « l’expérience de la durée », nous confronte à la nostalgie de l’enfance et enfin, critique notre société actuelle.

Touffue

Publié dans Arts Plastiques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article